Mon lundi matin à Paris

Ce matin nous avons posé les enfants à l’école, comme tous les lundis matins.

Ils avaient envie de prendre leurs trottinettes et sont partis à fond la caisse.

Premier arrêt devant la porte de l’Elémentaire pour déposer Louise. Nous l’avons embrassée tendrement, elle nous a reparlé de la minute de silence qu’elle allait faire et est partie.

Hop direction ensuite la Maternelle, 50 mètres plus loin. Ce matin Lucien était étonnamment de bonne humeur, hyper fier de montrer son nouveau manteau à ses copains. Il a retrouvé son copain Isaac, ils m’ont demandé de leur dessiner des petits coeurs sur les poignées, il m’a rempli les poches de bisous comme tous les matins, m’a raccompagnée à la porte et je suis partie.

Je suis repassée chez moi pour poser les trottinettes et…je suis repartie.

Ce matin j’avais un rendez-vous d’une futilité totale dans le 12ème arrondissement et je n’ai pas changé mes plans. Mon conjoint était pourtant étonné que j’y aille. Oui mais voilà, je ne voulais pas me retrouver seule chez moi. J’avais besoin de sortir. Sortir à l’extérieur mais aussi de mon quartier. Besoin d’affronter Paris en quelque sorte.

J’ai pris le métro. C’était silencieux. Les gens marchaient calmement. D’habitude tout le monde est pressé mais pas aujourd’hui. Et puis beaucoup lisaient le journal.

Changement de ligne, un coup d’oeil sur les écrans. Colis suspect sur le RER A. C’est très fréquent mais ça n’avait pas la même signification que les autres jours.

Je suis sortie du métro et me suis rendue à mon rendez-vous. Bien sûr tout le monde ne parlait que des événements de vendredi soir. Ca fait du bien de parler.

Après j’aurais pu rentrer mais non, j’avais encore envie de marcher, de me promener. De ne rien changer. Je suis même rentrée dans une boutique que j’aime bien. J’ai erré et je suis ressortie.

Et puis j’ai marché, encore, jusqu’à la place de la République. J’ai été frappée par le nombre de camions de télévision surplombés par de grosses antennes. Je me suis approchée, j’ai regardé une maman venue avec son minuscule bébé blotti contre elle dans un porte-bébé. J’ai fermé les yeux, j’ai sentie la peine m’envahir alors je suis repartie, humblement, doucement.

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C’était bizarre, je ne savais pas trop où aller. Alors j’ai encore marché, j’ai pris un peu le bus, je suis descendue à Barbès, j’ai fait un détour par un magasin de jouets pour récupérer deux catalogues car ce week-end les enfants doivent faire la lettre au Père Noël.

J’ai marché, encore et je suis rentrée.

Pendant cette balade parisienne, j’ai été tout d’abord frappée par la mine des gens. Tout le monde avait le visage fermé. J’ai aussi remarqué qu’il y avait beaucoup de voitures. Apparemment ceux qui le pouvaient ont évité de prendre les transports en commun. Enfin, je pensais que la ville serait envahie de policiers et en fait ce n’est pas le cas. J’en ai croisé très peu.

Ce matin je n’ai pas vraiment eu peur mais je ne peux pas dire non plus que je me suis sentie en sécurité. De toute façon je pense qu’il faudra beaucoup de temps à tout le monde pour recommencer à marcher sereinement dans les rues de Paris.

Maintenant je suis là, devant mon écran et j’avoue me sentir fatiguée. Je n’arrête pas de regarder l’heure. Je n’ai qu’une hâte, c’est d’aller récupérer mes enfants à l’école, de rentrer et de regarder un dessin animé avec eux.

Je pense aussi à mon amoureux qui travaille dans une maison de  disque. Je sais qu’aujourd’hui l’ambiance va être lourde. Je pense également à Manu, un de ses collègues qui était au Bataclan vendredi. Dieu merci il va bien.

Vivement ce soir. Ca sera une journée de plus de passer.

J’ai beau ne pas être née à Paris, j’y habite depuis plus de 12 ans et je n’ai qu’une certitude, c’est qu’aujourd’hui je me sens plus parisienne que jamais.

7 Comments

  • Fabienne
    17 novembre 2015
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    Bonjour,
    j’ai fait comme toi hier, déposer mes garçons à l’école le coeur lourd puis j’ai erré dans les rues de Paris, je me suis arrêtée dans un bar y boire un petit café, j’ai pensé à tous ces gens disparus dont une collègue de mon mari qui travaille aussi en maison de disque, j’ai pensé à ces blessés physiquement mais pas que! Mais je l’avoue j’ai beaucoup pensé à mes enfants et me empressée de les récupérer à la sortie de l’école.
    Parisienne de coeur blessé, je suis. Parisienne je resterai.

      • Fabienne
        18 novembre 2015
        reply

        Exactement!

  • 16 novembre 2015
    reply

    très jolie cet article <3

  • elsa
    16 novembre 2015
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    Je comprends, quelle tristesse! Tu as raison de continuer à vivre, la vie doit reprendre ses droits , en trottinette, à fond la caisse!
    Pensées à toi et à tous les parisiens. Elsa toujours en Auvergne

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